Faut-il interdire les piscines privées pour préserver l’eau ?

En France, on recense plus de 3 millions de piscines privées. Alors que l’interdiction de ces piscines privées peut sembler être une solution radicale pour préserver les ressources en eau, il est important de considérer les conséquences potentielles de cette décision. Une telle interdiction aura-t-elle vraiment un impact dans la lutte contre la sécheresse en France ?

1. Interdire les piscines privées : une solution efficace pour lutter contre la sécheresse ?

Pour rappel, la France a le parc de piscines le plus important d’Europe et le 2ème au niveau mondial, derrière les Etats-Unis. En 2022, la France comptait environ 3,2 millions de piscines privées (soit 1 piscine pour 21 habitants) dont 1,55 million de piscines enterrées et 1,64 million de piscines hors-sol, d’après la Fédération des Professionnels de la Piscine (FPP).

En 2021, toujours en France, le chiffre d’affaires des pisciniers a augmenté de 32 % en un an. 230 000 projets de piscines enterrées devraient voir le jour d’ici 2024. On ressence une forte concentration de bassins dans le Sud-Est (plus d’un million). La taille de bassin la plus courante en France est de 4m x 8m avec 1,5 m de profondeur, soit 32 m² (et 48 m3).

Carte des piscines enterrées en France

Carte de toutes les piscines enterrées déclarées au fisc dans l’hexagone. (Cadastre Etalab, avril 2022)

D’après le Centre d’Information sur l’Eau (Cieau), chaque remplissage d’une piscine privée nécessite en moyenne 65 000 litres d’eau, soit l’équivalent de 14 444 chasses d’eau, 325 lavages de voiture ou encore 5 909 vaisselles. En comparaison, chaque jour, un habitant consomme 146 litres d’eau, soit 53,3 m³ par habitant et par an. D’après l’Insee, un foyer français de 2,5 personnes en moyenne utilise 329 litres d’eau par jour soit, globalement, une utilisation annuelle de 120 m3.

Avec tous ces chiffres, l’on pourrait penser que l’interdiction des piscines privées serait une solution efficace pour lutter contre la sècheresse, surtout que, rappelons-le, la piscine est destinée à un usage de loisir et non un usage vital.

Cependant, d’après la Fédération des Professionnels de la Piscine (FPP), priver les français de piscines ne résoudra pas le problème de la sécheresse, car les piscines privées ne représentent que 0,12% de la consommation totale d’eau en France. Toujours selon la FPP, la consommation d’eau d’une piscine privée s’élève en moyenne à 15 m3 par an, ce qui équivaut à la quantité d’eau nécessaire pour produire un kilo de viande bœuf.

De plus, les piscines publiques, les parcs aquatiques et les hôtels avec des piscines utilisent également de grandes quantités d’eau. Il serait donc difficile de justifier une interdiction uniquement pour les piscines privées.

D’autre part, l’interdiction des piscines privées aurait des répercussions économiques importantes pour les personnes qui les construisent et les entreprises qui les entretiennent. De nombreuses personnes pourraient perdre leur emploi et de nombreuses entreprises exerçants dans le secteur de la piscine pourraient fermer, ce qui aurait un impact sur l’économie locale.

Enfin, il est important de noter que les piscines privées peuvent être utilisées pour des activités bénéfiques pour la santé, comme l’exercice et la thérapie pour les personnes souffrant de blessures ou de maladies. Elles permettent aussi aider à développer l’aisance aquatique des enfants et peuvent être utilisées par les pompiers pour éteindre les incendies. Si ces activités sont limitées par l’interdiction des piscines privées, cela peut avoir des conséquences négatives sur la santé publique.

2. Quelles sont les solutions pour préserver l’eau ?

Il faut savoir qu’en 25 ans, la consommation d’eau des français a été réduite de 45%. Ces efforts doivent être maintenus pour lutter contre la sécheresse. Cependant, au lieu d’interdire les piscines privées, il peut être plus judicieux de mettre en place des réglementations sur l’utilisation de l’eau :

  • Diminuer la taille des piscines : la dimension moyenne d’un bassin est passée de 72m² à 32m² en 40 ans.
  • Réduire la profondeur des bassins : la profondeur moyenne d’un bassin est passée d’1,80m à 1,40m en 40 ans.
  • Ne pas vider sa piscine entièrement : les particuliers ne vident plus leurs piscines entièrement, chaque année, comme autrefois.
  • Utiliser une couverture de piscine : l’utilisation des couvertures permet de réduire l’évaporation de l’eau (un abri de piscine, par exemple).
  • Recycler l’eau de la piscine : mettre en place de cuves pour récupérer l’eau lorsqu’on la vide.
  • Utiliser l’eau de pluie : utiliser des cuves pour récupérer l’eau de pluie pour remplir une partie de la piscine.

En résumé, la solution serait de sensibiliser les propriétaires de piscine au gaspillage et au recyclage de l’eau pour les orienter vers une utilisation éco-responsable de leur piscine.

interdire les piscines privées

3. Peut-on remplir sa piscine en cas d’alerte sécheresse ?

En France, il existe quatre niveaux d’alerte sècheresse :

  • Niveau 1 : les particuliers et les professionnels sont invités à faire attention à leur consommation d’eau.
  • Niveau 2 : les autorisations de prélèvement d’eau sont limitées pour les agriculteurs. L’arrosage des espaces verts, le nettoyage des véhicules et toutes activités nautiques sont interdits à certaines heures de la journée.
  • Niveau 3 : les restrictions du niveau 2 sont encore renforcées.
  • Niveau 4 : les prélèvements d’eau non prioritaires (hors secteurs de la santé, de la sécurité civile, etc.) sont totalement suspendus.

Le remplissage complet, la remise en eau et le renouvellement de l’eau des piscines privées est donc interdit dès le niveau 1 de l’alerte sècheresse. Cependant, une dérogation peut être accordée par la Direction Départementale des Territoires dans le cas où la piscine vient tout juste d’être construite et qu’une mise en eau est nécessaire pour son bon fonctionnement. Concernant les petites piscines hors sol, l’interdiction du remplissage ne s’applique qu’à partir du niveau 2.

Restez vigilants aux mesures prises en cas d’alerte sècheresse car celles-ci peuvent varier d’un département à l’autre. En cas de doute, renseignez-vous auprès de votre mairie avant d’entreprendre le remplissage de votre piscine en période de sècheresse.

Les restrictions d’eau ne doivent pas être prises à la légère et il existe évidement des risques en cas de fraude : selon l’article R. 216-9 du Code de l’environnement, toute infraction peut faire l’objet d’une amende allant jusqu’à 1 500 €. La sanction sera portée à 3 000 € d’amende en cas de récidive.

 

En conclusion, l’interdiction des piscines privées ne semble pas être une solution infaillible pour préserver les ressources en eau. Des réglementations plus sensibles pourraient être une alternative plus équilibrée pour garantir la protection des ressources en eau tout en préservant les intérêts économiques et de santé.

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